Article tiré de Sciences et Avenir ;
Par Hervé Ratel le 25.07.2014 à 12h31
Des chercheurs sont parvenus à dupliquer des cellules humaines. Un exploit scientifique qui pourrait être sans lendemain avec l’apparition de techniques plus simples, comme les iPS.
C’est peu dire qu’ils se sont fait désirer. Mais ça y est, ils sont enfin parmi nous ! "Ils", ce sont les premiers clones humains. Pas de panique toutefois. Des individus photocopiés à la chaîne ne sont pas près de déferler dans nos rues.
Les travaux accomplis par trois équipes scientifiques indépendantes ont consisté "seulement" à cloner des cellules humaines et à établir des lignées cellulaires stables. Reste que l’exploit est incontestable. Après deux décennies d’échecs, l’être humain finit par entrer dans le club des espèces "clonables" aux côtés des brebis, chats, souris, veaux ou chiens, qui se sont multipliés ces dernières années dans les laboratoires.
Depuis 1996 et malgré tous les aménagements possibles, la technique de clonage développée pour la brebis Dolly ne semblait en effet pas fonctionner sur l’être humain ni, plus largement, sur les primates. Qui saurait contourner les difficultés et mettre au point la recette miracle ?
Tout a commencé en mai 2013 quand l’équipe de Shoukhrat Mitalipov, de l’université de la Santé et des Sciences de l’Oregon (Beaverton, Etats-Unis) a publié sa méthode de clonage humain dans la revue Cell.
Si Dolly avait fait les unes du monde entier, c’est un relatif silence qui a suivi la publication de 2013, pourtant révolutionnaire. Il faut avouer qu’en matière de clonage humain, tout le monde y regarde en effet à deux fois avant de crier victoire. Après plusieurs épisodes rocambolesques, prudence et rigueur sont désormais de mise.
On se souvient d’abord de la fraude mémorable perpétrée par le chercheur coréen Hwang Woo-Suk, de l’université de Séoul. L’annonce victorieuse en février 2004 de la réussite du clonage d’un embryon humain fut infirmée moins d’un an plus tard. On se souvient peut-être aussi du spectacle de foire auquel s’était livrée quelque temps auparavant la secte Raël, avec le faire-part de naissance d’un clone nommé Eve... dont on n’a plus jamais entendu reparler. Quant au père de Dolly en personne, sir Ian Wilmut, anobli par la reine pour ses travaux, il a beaucoup tiré la couverture à lui, s’adjugeant des lauriers qui n’étaient pas totalement les siens. En 2007, il admettait que sa contribution à la création de Dolly avait été beaucoup moins importante que celle de son collègue Keith Campbell qui n’a jamais eu les honneurs d’un adoubement royal. Bref, le clonage fait tourner les têtes jusqu’à la folie ou presque.
Un exploit scientifique indiscutable
Celles de Shoukhrat Mitalipov et de son équipe semblent, au contraire, s’être maintenues correctement en place. Serait-ce grâce... au café ? Pas tout à fait une plaisanterie, puisque la caféine figure au premier rang des ingrédients qui ont rendu l’exploit possible !
© Sylvie Daoudal pour Sciences et Avenir
La substance semble stabiliser l’ovocyte receveur et faciliter la fusion du noyau de l’organisme donneur. Sans caféine, le taux de réussite chute brutalement et aucun blastocyste cloné n’a été en mesure de donner des lignées stables de cellules embryonnaires. Leur exploit scientifique, fondamental, est indiscutable.
Une question, cependant, se pose : ces travaux ne surviennent-ils pas trop tard ? Après avoir tant déchaîné les passions et alimenté les scénarios les plus débridés, le clonage humain, ironie de l’histoire, ne suscite plus aujourd’hui une quelconque attente.
C’est qu’entre-temps, en 2006, une autre révolution est venue tout bouleverser qui a pour nom "cellules iPS". Ces "cellules souches pluripotentes induites" ont été mises au point par Shinya Yamanaka, récompensé du prix Nobel de médecine 2012 pour ses travaux, et son équipe de l’université de Kyoto (Japon). Obtenues en ajoutant simplement un cocktail spécifique à des cellules adultes, elles permettent, pour développer des lignées de cellules souches embryonnaires, de ne plus avoir recours à des donneuses d’ovocytes et à leurs embryons.
Les iPS sont beaucoup plus faciles à obtenir.
Il suffit de faire "rajeunir" des cellules différenciées prélevées chez un adulte pour parvenir à un résultat similaire. "Que ce soit d’un point de vue éthique mais également pratique, les iPS sont incomparablement plus faciles à obtenir, moins contraignantes, moins coûteuses en personnel comme en temps", détaille Laure Coulombel.
Nathalie Gaborit, chercheuse à l’Institut du thorax de Nantes, explique à Culture Science (le site des sciences pour les jeunes en Pays de la Loire) comment les cellules se transforment et se mettent à battre comme un cœur :
Le clonage ne présente-t-il vraiment plus aucun intérêt aujourd’hui ? Prudence, une fois encore. "On ignore si les cellules iPS ne soufrent pas de défauts épigénétiques trop importants pour être utilisées en thérapie, détaille Alice Jouneau, de l’Inra de Jouy-en-Josas (Essonne). Il semble en tout cas que celles-ci soient beaucoup plus susceptibles d’accumuler des anomalies que les cellules dérivées d’embryons clonés. L’étude du clonage pourrait être utile pour améliorer l’obtention des iPS". On comprend mieux pourquoi la plupart des équipes de recherche qui travaillaient sur le clonage ont déserté la thématique et se reportent aujourd’hui sur celle des cellules iPS.
Le 1er clone de mammifère : DOLLY.
Le 2 avril 1996, deux chercheurs écossais, Ian Wilmut et Keith Campbell, chez PPL Therapeutics, en Écosse, réalisent une manipulation génétique à partir de cellules de glande mammaire de la brebis adulte Geniees, dont le noyau cellulaire est transplanté dans l’ovule énucléé d’une autre brebis, nommée Belinda. 277 cellules-œufs sont créées, qui donnent naissance à environ 30 embryons. Un seul d’entre eux se développe jusqu’à l’âge adulte. Pour la première fois, un être viable issu de cette technique de clonage survit. Les scientifiques écossais appellent la brebis « Dolly » en hommage à Dolly Parton, chanteuse américaine dotée d’une poitrine avantageuse, car le clonage a été réalisé à partir de cellules de glande mammaire. Le 22 février 1997, le monde apprend la naissance de Dolly.
Mais les chercheurs se sont vite aperçus qu’elle vieillissait rapidement.
Dolly est euthanasiée en février 2003 à la suite de problèmes d’arthrite précoce et de difficultés respiratoires. Son corps est exposé au National Museum of Scotland, à Édimbourg.
Dolly est donc le premier mammifère né sans qu’une fécondation d’un ovule par un spermatozoïde ait eu lieu. Elle est plutôt issue de la constitution d’un embryon par fusion en laboratoire d’un noyau cellulaire et d’un ovule énucléé : la brebis ainsi née possède un patrimoine nucléaire identique à un individu déjà existant. Cependant, Dolly n’est pas le clone parfait de Belinda. En effet, dans l’ovule utilisé, comme dans toutes les cellules, il s’est trouvé des organites, les mitochondries (les « usines énergétiques » de la cellule), qui possèdent leur propre patrimoine génétique. Dolly est donc aussi le fruit de la brebis qui a donné son ovule.
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